Le dicton dit “vaut mieux prévenir que guérir”. C’est certainement vrai dans le cas d’un immeuble. Par exemple, le remplacement d’un chauffe-eau tous les 10 ans, alors qu’il fonctionne encore bien, est une action préventive : on ne veut pas prendre la chance qu’un bris survienne, puisque les dommages causés par un tel bris seraient importants.
Qu’en est-il de l’entretien des structures de béton comme les stationnements souterrains adossés à certaines copropriétés ? Il serait facile de s’imaginer que ces structures sont tellement solides qu’elles nécessitent peu de prévention. C’est d’ailleurs ce que nous observons trop souvent sur le terrain : les actions préventives dans les stationnements souterrains sont trop souvent négligées et, à terme, le manque de prévention peut occasionner des réparations très coûteuses.
Les composants principaux d’un stationnement intérieur
Les stationnements intérieurs sont principalement composés de béton, d’acier d’armature, de drains et d’enrobé bitumineux (asphalte) et/ou de membranes. Quelques définitions simples :
Béton : Matériau de construction lui-même composé de ciment, de pierre, de sable et d’eau ;
Acier d’armature : mis en quantité importante dans le béton (en barres), sert à augmenter la résistance en tension du béton ;
Drains : Composantes principales du système de drainage servant à évacuer les surplus d’eau du stationnement ;
Enrobé bitumineux (asphalte) : Couche de roulement servant à protéger le béton ;
Membrane : Couche de roulement servant à protéger le béton.
Les éléments structuraux d’un stationnement intérieur
Les composants principaux sont organisés en 3 éléments structuraux : les murs, les colonnes et les dalles.
Dans un stationnement comportant un seul étage, il est fréquent que la surface de roulement ne soit pas en béton. En revanche, les stationnements multi-étagés ont presque toujours au moins un étage où il y a du roulement de véhicules sur une dalle de béton.
Le béton armé, tel que celui présent dans le béton des stationnements, possède les qualités physico-mécaniques nécessaires à la reprise des charges de tout ce qui est présent à l’intérieur, comme les voitures et les équipements mécaniques, ou encore au-dessus de ce dernier, comme les aménagements paysagers ou la neige. Le béton assez durable pour observer une durée de vie utile de plus de 50, 75 ou même 100 ans. Toutefois, le prolongement de cette durée de vie passe inévitablement par l’entretien.
Les joies de l’hiver
Au Québec, les hivers rigoureux font partie intégrante de la vie utile des structures de béton. En effet, l’utilisation des sels de déglaçage a un impact important sur les composantes des stationnements. Plus précisément sur deux d’entre eux.
Les conséquences sur les drains
Beaucoup de stationnement sont munis de drains en fonte. La fonte étant un alliage de fer, elle est facilement corrodée par les chlorures, un des composants chimiques des sels de déglaçage.
Les conséquences sur les colonnes, les murs et les dalles
Comme mentionné précédemment, le béton présent dans les stationnements comporte une quantité mesurée d’acier d’armature. L’acier contenu dans le béton est protégé de ces chlorures par un phénomène naturel, la passivation, qui est possible grâce à un pH élevé (12 ou plus). Or, la présence d’une grande quantité de chlorures aux abords de l’acier d’armature fait diminuer le pH, ce qui retire peu à peu la barrière protectrice dont jouit l’acier contenu dans le béton. Les chlorures peuvent ainsi commencer à endommager l’acier d’armature par oxydoréduction avec l’eau et l’oxygène présent dans le mélange de béton.
Les conséquences de la corrosion
Une fois la corrosion débutée, elle est irréversible. Malheureusement, cette corrosion n’est pas observable à l’œil. On en verra les conséquences seulement lorsque des déficiences de plus grande importance seront visibles. Par exemple, le délaminage du béton est entraîné par la corrosion des barres d’armature contraintes dans le béton, mais lorsqu’on observe du délaminage, cela signifie que la corrosion est amorcée depuis plusieurs années déjà.
Le processus de délaminage est assez simple à comprendre. La corrosion (rouille) de l’acier possède un volume jusqu’à 10 fois plus élevé que l’acier noir, qui est habituellement utilisé pour faire des barres d’armature. Lorsque cet acier est contraint dans une dalle de béton et qu’il prend de l’expansion en raison de la corrosion, le béton subit une pression énorme et finit par fissurer dans le même plan que la dalle de béton. Suivant cette fissuration, l’eau chlorée peut se déplacer aisément dans la dalle de béton et peut étendre l’endommagement sur de grandes surfaces. La littérature sur le sujet parle d’une augmentation des quantités de délaminage de 5 à 10% par année dans un stationnement fortement sollicité.
La meilleure défense ? Reconnaître les signes.
Une inspection annuelle réalisée par les utilisateurs du stationnement ou par des professionnels peut permettre de prévenir des situations fâcheuses avant qu’elles ne se produisent ou de limiter les dégâts. Voici quelques indices courants que des actions sont à prendre sans tarder :
Colonne de béton Peinture gondolée Béton lâche et friable Fissuration Trace de corrosion
Surface de roulement Membrane Déchirure ou décollement Fissuration Gonflement du béton Enrobé bitumineux « asphalte » Bombement de la surface
Mur ou plafond Présence de trace blanche (efflorescence) Trace de corrosion Fissuration
Drains Présence de trace blanche (efflorescence) Trace de corrosion Fissuration
Suivant l’apparition de ces déficiences, des interventions telles que des corrections mineures des sections touchées peuvent être menées afin d’empêcher une propagation plus importante. Toutefois, la présence d’enrobé bitumineux (asphalte), rend plus difficile de déterminer avec exactitude les sections à réparer. Dans un tel cas, une campagne d’échantillonnage de cylindres dans la dalle de béton permettra de mieux définir l’ampleur des travaux. Les données obtenues par les essais en laboratoire permettront aussi d’évaluer l’avancement de la corrosion dans ces secteurs.
Conclusion
Les corrections de sections touchées, alors qu’elles sont encore mineures, sont nettement plus avantageuses sur le plan des coûts. Par exemple, faire des retouches à la couche superficielle d’un système de membrane polyuréthane coûtera autour de 50$/mètre carré, alors que retirer de grandes sections pour corriger les trois ou quatre épaisseurs du même système coûtera autour de 100$/mètre carré.
La simple installation d’une remontée de membrane sur les bases des colonnes et le maintien de cette membrane aux 10 ans peut coûter entre 250 et 500$ par colonne. Ces coûts sont faibles par rapport à une correction des colonnes non protégées. Les réparations à l’enrobé bitumineux/membrane, à la fondation granulaire et aux semelles pourront atteindre les 5000 à 10 000$ par colonne au bout de 25 ans.
Un remplacement hâtif de drains de fonte par des drains galvanisés de même taille peut coûter approximativement 3500$ par drain. Un remplacement tardif de ces drains avec un remplacement de béton contenant de l’acier corrodé pourrait facilement coûter au bas mot 7000$ par drain, en fonction de la quantité de béton à remplacer.
Au-delà des coûts, il faut aussi penser aux inconvénients pour les utilisateurs lorsqu’on doit faire des travaux importants dans le stationnement à cause de déficiences ignorées pendant trop longtemps. Nous espérons que cet article vous aura convaincu des bénéfices de réaliser des inspections régulièrement et d’intervenir dès que des signes de dégradations surviennent. Sur le long terme, ça sera très payant !