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Photo du rédacteurSean Beauchemin, ing.

Identifier les signes précurseurs de dégradations de l’enveloppe


Au Québec, seulement les immeubles de 5 étages et plus sont obligés de faire réaliser une inspection approfondie de leurs façades par un ingénieur ou un architecte en vertu du Code de Sécurité (la “fameuse” loi 122). Pourquoi la loi vise seulement ces immeubles ? C’est tout simplement parce que l’objectif de la loi 122 est la sécurité du public et des occupants. Autrement dit, on veut s’assurer que les façades plus hautes soient bien entretenues, puisque tout élément qui pourrait s’en détacher est susceptible de causer des blessures graves, et même la mort.


Est-ce que ça veut dire que les façades de moins de 5 étages sont sans danger pour le public ou les occupants ? Certainement pas. Y a-t-il de bonnes raisons, autres que la sécurité, d’inspecter les façades de son immeuble, qu’il fasse 5 étages et plus ou pas ? Bien entendu. Les différentes problématiques qu’on peut observer sur les façades d’un immeuble peuvent poser des enjeux de sécurité, mais peuvent aussi entraîner des dégradations importantes à différents composants de l’immeuble. Plus on laisse les problèmes s’aggraver, plus les réparations seront coûteuses.


Cet article vise à vous donner des outils pour identifier les signes précurseurs de dégradations typiques de l’enveloppe du bâtiment. Nous mettrons l’emphase sur les dégradations susceptibles d’évoluer rapidement en déficiences importantes et qui, par conséquent, pourraient entraîner des coûts majeurs en réfections. Les pratiques d’inspection présentées dans ce document sont utiles pour tout type de bâtiment, et ce peu importe sa taille, et peuvent être réalisées à partir du sol.


Les déficiences liées aux allèges de fenêtres


Par définition simplifiée, les allèges sont des éléments situés sous les fenêtres pour couvrir la rive du parement mural. Elles sont mises en place afin de diriger l’eau le plus loin possible de ce parement. Il est primordial de bien inspecter les allèges des fenêtres d’un bâtiment afin d’empêcher la détérioration accélérée de l’enveloppe. Les allèges sont la plupart du temps fabriquées de pierres architecturales/naturelles, de béton ou de briques.


Maintenant contre-indiquée, l’utilisation des allèges de briques était une pratique courante dans les années 70. Plusieurs raisons permettent d'affirmer que l’utilisation d’allèges faites de briques (Figure 1) est néfaste pour le parement mural :

  1. Plusieurs des faces exposées aux intempéries lorsque la brique est utilisée pour la fabrication d’une allège ne sont pas conçues pour recevoir une quantité d’eau abondante ;

  2. Les joints de mortier exposés aux intempéries sur des surfaces horizontales représentent des voies d’entrée d’eau dans le système mural ;

  3. La rugosité de certaines briques ne permet pas l’évacuation de l’eau vers l’extérieur du système mural, mais laisse l’eau stagnante en surface de l’allège et/ou redirige l’eau vers le parement mural.

Les conséquences liées à la présence de tels types d’allèges sont les infiltrations d’eau dans le parement mural, et donc peut-être dans les unités de logement. La présence de végétation ou d’efflorescence pourrait aussi apparaître sous les allèges. Il est aussi possible que la dégradation du mortier situé sous les allèges se produise plus rapidement.


Pour toutes ces raisons, nous recommandons souvent de faire recouvrir les allèges faites de briques par des revêtements en aluminium installés en pente vers l’extérieur, de manière à pouvoir évacuer l’eau adéquatement. Lorsque la configuration de la fenêtre rend cet ajout impossible, il sera nécessaire de remplacer l’allège par une pièce de pierre ou de béton.


Allège de fenêtre faite de briques
Figure 1: Allège de fenêtre faite de briques

Les allèges faites de pierres architecturales/naturelles ou de béton, quant à elles, sont moins susceptibles de causer des déficiences à l’enveloppe où pire, aux unités d’habitation. Toutefois, quelques déficiences pourraient permettre une dégradation précoce du parement mural par les infiltrations d’eau rendues possibles par les allèges:


  1. Les allèges fabriquées de deux pièces ou plus sont habituellement raccordées par un joint de mortier (Figure 2A). Les infiltrations sont moins fréquentes lorsque ce joint de mortier est protégé par un produit calfeutrant, mais il est plutôt rare que ce soit le cas. En fait, le joint de mortier est souvent dégradé et laisse pénétrer l’eau allègrement dans le parement mural.

  2. La lithologie de la pierre naturelle peut aussi avoir un impact sur l’intégrité de l’allège elle-même ou sur le parement mural. En effet, de petites imperfections dans la pierre, comme un litage d’argile, sont susceptibles de fissurer suivant de multiples cycles de gel et de dégel (Figure 2B).

De manière générale, un simple entretien du joint de mortier et/ou du produit calfeutrant situé entre les différents morceaux de pierre pourrait permettre de prévenir des déficiences importantes. Or, la présence d’une lithologie particulière dans la pierre naturelle pourrait obliger le remplacement complet de cette dernière si la fissuration est trop importante.


Joint vertical entre deux morceaux formant l’allège et litage d’argile horizontal
Figure 2: (A) Joint vertical entre deux morceaux formant l’allège. (B) Litage d’argile horizontal

Quels sont les signes que vous devez observer lors de votre inspection à partir du sol :

  • Trace d’humidité sur le parement de maçonnerie aux extrémités ou sous les joints de mortier des allèges ;

  • Présence de végétation sous ou aux extrémités des allèges ;

  • Accumulation d’eau sur les allèges lors des périodes de pluie ;

  • Présence d’efflorescence sous les allèges ;

  • Fissuration des pierres ou du béton des allèges.

Si vous remarquez l’un ou plusieurs des signes décrits précédemment, il est recommandé de faire appel à un professionnel en science du bâtiment.


Dégradation du calfeutrage


Bien qu’il s’agisse d’une composante élémentaire de l’enveloppe du bâtiment, le calfeutrage est souvent négligé, menant à d’importantes infiltrations d’eau dans le parement mural ou dans les unités d’habitation. Malheureusement, lorsque les propriétaires des unités dans lesquelles les dégâts d’eau surviennent observent les premiers signes d’infiltration, beaucoup de dommages auront déjà été faits.


La détérioration du calfeutrage d’une ouverture comme une fenêtre (voir Figure 3) ou une porte peut avoir des conséquences importantes sur l’intégrité du système mural. Comme l’intérieur des unités d’habitation est majoritairement fini à l’aide de cloisons sèches, il est impossible d’observer immédiatement l’eau pénétrer dans l’enceinte murale. L’eau va se frayer un chemin derrière la cloison sèche et s’écouler sur plusieurs étages ou simplement s’accumuler sous le plancher, jusqu’à l’apparition de moisissures ou de taches qui mettront alors la puce à l’oreille du propriétaire.


Détérioration importante du produit calfeutrant à la jonction entre le parement et le cadre de la fenêtre
Figure 3 : Détérioration importante du produit calfeutrant à la jonction entre le parement et le cadre de la fenêtre

De plus, comme les systèmes muraux entre la façade extérieure et la finition des pièces intérieures sont souvent diversifiés en fonction de l’âge des bâtiments, il est aussi possible que l’eau n’affecte pas immédiatement, voire même jamais, l’intérieur du bâtiment. Lorsque l’eau pénètre l’enveloppe extérieure en raison de la détérioration ou l’absence de calfeutrage, elle peut heureusement s’évacuer de ce dernier par les chantepleures (Figure 4) présentes au-dessus des fenêtres (s’il y a lieu). Si ces chantepleures sont inexistantes, l’eau sera donc captive dans le système et va s’évacuer directement par le parement extérieur (pour les murs de maçonnerie). Il est donc important de s’assurer que des chantepleures sont bel et bien présentes et fonctionnelles au-dessus des ouvertures afin d'évacuer l’eau s’étant infiltrée.


Lors de la réfection de calfeutrage, nous recommandons de retirer complètement l’ancien produit et de nettoyer les surfaces pour ensuite procéder à la mise en place du nouveau calfeutrage. Il est à noter que les produits de calfeutrage ont habituellement une durée de vie utile de 10 à 15 ans, dépendamment de la qualité du produit et de son exposition au soleil et aux intempéries.


Ouvertures situées à la jonction entre les fenêtres et le parement de briques sus-jacent nommée chantepleures
Figure 4 : Ouvertures situées à la jonction entre les fenêtres et le parement de briques sus-jacent nommée chantepleures

Quels sont les signes que vous devez observer lors de votre inspection à partir du sol :

  • Absence du produit calfeutrant entre deux matériaux ;

  • Fissuration, décollement ou assèchement du produit calfeutrant ;

  • Changement de couleur du produit calfeutrant ;

  • Produit calfeutrant mis en place par-dessus un ancien produit calfeutrant.

Si vous remarquez l’un ou plusieurs des signes décrits précédemment, il est recommandé de faire appel à un professionnel en science du bâtiment.


Présence d’efflorescence


Les problématiques liées aux allèges et la dégradation du calfeutrage vont généralement augmenter l’apport en eau dans le système mural. Bien que les infiltrations d’eau puissent être difficiles à détecter, un phénomène permettant de les déceler plus rapidement est l’efflorescence.


Selon l’APCHQ (Association Provinciale des Constructeurs d’Habitation du Québec), l’efflorescence se définit comme suit : « L’efflorescence se traduit par des traces blanchâtres apparaissant sur les matériaux de maçonnerie exposés aux intempéries. Les sels solubles migrent avec l’humidité et réagissent aux composés alcalins du ciment. On voit donc apparaître des dépôts cristallins à la surface des éléments de maçonnerie lorsque l’eau s’évapore. »

L’efflorescence est donc le résultat de l’évaporation d’un surplus d’eau au travers de la brique, laissant derrière des résidus de minéraux. L’eau s’étant infiltrée alors qu’elle était en phase liquide, elle demeure parfois captive dans le parement mural, indiquant que l’évacuation de l’eau ne s’effectue pas correctement. Comme la phase de l’eau la plus stable est sous forme de vapeur, l’eau tente à tout prix de s’évaporer vers l’extérieur du parement, et passe donc par les éléments de maçonnerie. Les sources d’efflorescence peuvent être nombreuses, par exemple, la mauvaise évacuation de l’eau qui s’infiltre dans le système mural ou l’exfiltration d’air chaud et humide provenant de l’intérieur du bâtiment.


Maintenant que les causes sont connues, il est important de connaître la conséquence la plus commune liée à cette efflorescence : la délamination de la brique (voir Figure 5). La délamination est un processus lent qui est associé à l’éclatement de la face visible de la brique, suivant des cycles de gel et de dégel et parfois des cycles de mouillage et séchage.

Efflorescence blanche et délamination de la brique
Figure 5 : Efflorescence blanche et délamination de la brique

La délamination de la brique est un phénomène observable majoritairement sur les parements de briques d’argile comprenant une cavité murale (espace vide) permettant l’écoulement de l’eau sur le pare-air derrière celui-ci. Toutefois, il est également possible de voir de la délamination sur des parements de maçonnerie possédant une conception interne différente.


Cela étant dit, pour différentes raisons, la teneur en humidité dans le système mural est parfois trop élevée et les éléments de maçonnerie sont donc saturés en eau. Les cycles de gel/dégel et de mouillage/séchage endommagent donc peu à peu la structure interne des éléments de maçonnerie, et font finalement éclater la face extérieure de la brique. Malheureusement, lorsque la délamination est observable sur la brique ou les blocs de maçonnerie, il est dorénavant trop tard pour agir en prévention et il sera nécessaire de remplacer ces éléments. Il est peu recommandé de remplacer uniquement les briques délaminées, car les briques voisines qui ne présentent pas encore cette déficience sont probablement déjà affectées et vont délaminer à court terme.


Quels sont les signes que vous devez observer lors de votre inspection à partir du sol :

  • Observation d’un changement de couleur de la brique ;

  • Apparition de trace blanchâtre sur le parement mural ;

  • Présence de morceaux de brique au sol.

Si vous remarquez l’un ou plusieurs des signes décrits précédemment, il est recommandé de faire appel à un professionnel en science du bâtiment.


Conclusion


En somme, plusieurs signes avant-coureurs, si décelés au bon moment, ont le potentiel de prévenir des déficiences importantes:

  • Les déficiences liées aux allèges de fenêtres ;

  • Les détériorations du calfeutrage des ouvertures (portes, fenêtres, etc.) ;

  • La présence d’efflorescence.

Il est relativement facile d’effectuer une inspection visuelle périodique à partir du sol afin d’observer ces signes avant-coureurs, surtout pour les petits immeubles. C’est pourquoi nous recommandons aux gestionnaires immobiliers et administrateurs de mettre en place un programme d’inspection visuelle périodique des façades à partir du sol (avec ou sans jumelles), surtout lorsque l’immeuble n’est pas sujet aux vérifications obligatoires de la loi 122. Idéalement, un programme d’inspection visuelle des parties privatives serait également mis en place afin que les copropriétaires prennent l'habitude d’observer les murs adossés à l’extérieur du bâtiment à la recherche de taches d’eau ou moisissures. Les résultats de ces inspections peuvent être consignés dans un registre d’inspection. Une telle approche de prévention est parfaitement alignée avec la mission de conservation de l’immeuble du syndicat de copropriété.


Si vous voulez un avis professionnel sur une problématique que vous observez, Depatie Beauchemin Consultants peut vous accompagner.

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