Note : cet article a été mis à jour en novembre 2023, suite à l'adoption d'amendements aux articles 1070.2 et 1071 du Code civil du Québec à travers le projet de loi 31 (2023).
Le projet de loi 16 est une importante réforme du droit de la copropriété divise, adoptée en 2019. Ce projet de loi introduit notamment l’obligation de faire réaliser périodiquement une étude du fonds de prévoyance par un professionnel. La fréquence de réalisation sera déterminée par un règlement du gouvernement.
Contrairement au mythe propagé par plusieurs entreprises, cette disposition n’est pas encore en vigueur. En effet, le projet de loi prévoit qu’un règlement devra être adopté afin de déterminer les normes de réalisation de telles études, notamment les ordres professionnels dont les membres sont habilités à les réaliser.
Lorsque ce règlement sera adopté, les syndicats de copropriété existants auront un délai de 3 ans pour obtenir une première étude du fonds de prévoyance. On peut donc dire qu’une première étude ne sera pas requise avant quelque part en 2027, si le règlement est adopté en 2024.
Cela dit, nous sommes d’avis qu’il y a plusieurs avantages à faire réaliser une étude de fonds de prévoyance avant la date limite.
Avantage 1 : Éviter les cotisations spéciales
En copropriété, le fonds de prévoyance est une réserve d’argent qui sert à payer les réparations majeures et les coûts de remplacement des parties communes. Chaque mois, les copropriétaires paient des frais de condo, qui servent à remplir cette réserve.
Comme le mentionne l’article 1072 du Code civil du Québec, le minimum légal est fixé à 5% du budget annuel d’exploitation de la copropriété. Certains syndicats de copropriété ont des contributions au fonds de prévoyance qui s’élèvent à 10%, 15% ou 20% du budget annuel. Malheureusement, ces pourcentages ne sont pas toujours suffisants et peuvent obliger les copropriétaires à fournir des cotisations spéciales pour pallier au manque d’argent. Ces cotisations seront inévitables pour être en mesure de payer les travaux nécessaires à la conservation de la copropriété.
Ces cotisations spéciales devraient autant que possible être évitées étant donnée la lourdeur du processus qu’elles impliquent :
Convoquer une assemblée extraordinaire ;
Avoir le quorum requis ;
Expliquer le bien-fondé de la cotisation demandée ;
Répondre aux questions ;
Obtenir le paiement de la cotisation de chaque copropriétaire.
ll est définitivement plus simple d’utiliser le fonds de prévoyance. En effet, pour les remplacements et réparations majeures, le conseil d’administration (CA) a toute l’autorité sur l’utilisation du fonds de prévoyance. Par conséquent, avoir un fonds de prévoyance adéquat est un atout précieux pour simplifier la gestion de la copropriété.
L’étude de fonds de prévoyance vous permettra d’avoir un plan d’action clair pour affronter ces défis.
Avantage 2 : Entretenir adéquatement la copropriété
La Loi 16 a été introduite suite à un triste constat : les copropriétés sont souvent mal entretenues et le fonds de prévoyance est, dans une forte majorité des cas, largement insuffisant pour financer les travaux qui sont requis pour conserver l’immeuble en bon état.
Le syndicat de copropriété a une obligation légale de conservation et d’entretien de l’immeuble : c’est sa raison d’être ! Cependant, les administrateurs n’ont que rarement les connaissances techniques pour anticiper les travaux qui seront nécessaires à moyen et long terme, pour estimer les coûts de ceux-ci et dresser un plan pour le financement de travaux.
Une étude de fonds de prévoyance vous donnera une planification des travaux à venir pour au moins 25 ans, ce qui devrait permettre au syndicat d’accomplir sa mission de manière adéquate.
Avantage 3 : Faciliter l’accès à une assurance
Voyant le nombre élevé de sinistres dans les copropriétés divises au Québec, le marché de l’assurance s’est resserré de façon marquée dans les dernières années : plusieurs assureurs ont quitté le marché de la copropriété, et ceux qui restent ont augmenté le coût des polices et des franchises de façon vertigineuse.
Les assureurs veulent diminuer leur niveau de risque et de plus en plus de clients nous rapportent que leur assureur leur demande si une étude de fonds a été réalisée (elle a même été exigée dans certains cas). Il est rassurant pour un assureur de savoir que le syndicat a les outils et les moyens pour bien entretenir son immeuble. La proactivité du syndicat à se munir d’une étude, un outil de gestion indispensable, pourra être perçue d’un très bon œil par les assureurs.
Avantage 4 : Faire fructifier le fonds de prévoyance
Dans presque toutes les copropriétés, une première étude de fonds de prévoyance révélera que les frais de condos doivent être augmentés. Ces ajustements sont nécessaires afin de subvenir aux besoins à long terme de l’immeuble. Toutefois, il y a d’autres avantages à mettre plus d’argent plus tôt : générer des intérêts. La Loi 16 a introduit la possibilité de placer une partie du fonds de prévoyance dans des placements à capital garanti.
Prenons l’exemple, ci-dessous, d’une copropriété qui met 50000$/an dans le fonds de prévoyance et le place à 3% d’intérêts. Sur 10 ans, c’est plus de 118 000$ qui auront été générés en intérêts, soit plus de deux ans de contributions annuelles.
L’étude de fonds de prévoyance mènera certainement à des augmentations des frais de condos, mais avec de bons conseils de placement, les copropriétaires débourseront moins d’argent pour payer les travaux.
Avantage 5 : Augmenter la valeur de revente du bien
Maintenant que le projet de loi 16 a fait couler beaucoup d’encre, les acheteurs (et leurs agents) sont de mieux en mieux éduqués sur les réalités qui touchent le secteur de la copropriété divise au Québec. Celles qui sont incapables de démontrer une bonne santé, autant financière que physique, perdront rapidement l’intérêt des acheteurs.
Le projet de loi 16 a aussi introduit l’obligation de remettre au promettant-acheteur l'attestation du syndicat sur l'état de la copropriété. Le contenu de cette attestation sera déterminé par le même règlement qui encadrera les études du fonds de prévoyance et les carnets d’entretien, elle n’est donc pas encore obligatoire.
Toutefois, si on se fie à l’équivalent ontarien (le « status certificate ») duquel s’inspire « l’attestation » du projet de loi 16, le syndicat devra sans doute renseigner l’acheteur sur :
L’existence d’une étude de fonds de prévoyance ou l’année de son obtention éventuelle
L’année de la prochaine mise à jour de l’étude existante
L’état du fonds de prévoyance par rapport aux recommandations de l’étude
L’information à savoir si le fonds de prévoyance sera suffisant pour payer les travaux majeurs éventuels ou si des contributions spéciales sont envisagées
Si le règlement abondait en ce sens, il sera de plus en plus difficile de vendre un condo dans une copropriété qui est incapable d’indiquer si le fonds de prévoyance est adéquat.
Si vous souhaitez vous assurer d’avoir une copropriété attrayante, vous aurez avantage à obtenir une étude de fonds de prévoyance et à mettre en branle les recommandations de l’étude le plus tôt possible.
Conclusion
En conclusion, bien que le projet de loi 16 ne rende pas obligatoire l'étude du fonds de prévoyance avant 2027 ou plus tard, il y a plusieurs avantages à l’obtenir avant la date limite.
Cela peut éviter aux copropriétaires des cotisations spéciales pour les travaux majeurs, ce qui est un processus long et fastidieux. De plus, l'étude peut aider à maintenir adéquatement la copropriété, car elle fournit un plan d'action clair pour affronter les défis futurs. Finalement, elle facilite l'accès à une assurance, car les assureurs sont rassurés de savoir que le syndicat est proactif.
En somme, obtenir une étude de fonds de prévoyance dès maintenant peut aider les syndicats de copropriété à gérer leur immeuble de manière plus efficace et à éviter des coûts supplémentaires à long terme.